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yann vallerie - Page 5

  • « Les Etats-Unis n'ont jamais été si divisés... C'est le résultat fatal de la diversité ! »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jared Taylor à Breizh infos à propos de la situation politique aux Etats_Unis. Journaliste, fondateur en 1990 du mensuel American Renaissance, Jared Taylor vient de publier en France L'Amérique de la diversité : du mythe à la réalité (L'Æncre, 2016).

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    Jared Taylor (Amren) :« Je suis très content de la victoire de Trump, mais il n’y aura pas de vraie révolution »

    Breizh-info.com : Tout d’abord, quelle est votre réaction à la suite des attentats, qui se multiplient en Europe ? Et par rapport à ces tentatives de déstabilisation comme en témoigne l’assassinat de l’ambassadeur de Russie en Turquie ?

    Jared Taylor : Depuis l’invasion musulmane de l’Espagne en 711 jusqu’au traité de Karlowitz en 1699 qui a mis fin à la dernière invasion ottomane, l’Islam a été en guerre avec l’Occident. C’est une période de presque 1,000 ans qui reflète la nature profonde de l’Islam. C’est une religion conquérante et impérialiste. Pendant les derniers 300 ans, l’Islam a été trop faible pour faire la guerre conventionnelle, mais sa nature n’as pas changé.

    Maintenant, l’Islam exprime sa haine à l’égard de l’Occident au moyen d’ attentats contres des cibles faibles. Ces attentats n’ont pas besoin de beaucoup de moyens matériels ou d’effectifs pour semer la terreur et la panique. Cependant ces attentats ne seraient pas possibles s’il n’y avait pas de communautés musulmanes implantées en Europe, surtout en France. L’existence de ces communautés reflète la faiblesse de l’Occident qui n’est plus capable de dire, comme autrefois, « Cette terre est pour nous et pour  personne d’autre. »

    Breizh-info.com :  Vous avez sorti votre premier ouvrage traduit en français, « l’Amérique de la diversité, du mythe à la réalité ». L’American way of live, façon Benetton, serait donc une illusion ?

    Jared Taylor : Il est nécessaire en Amérique de dire que la diversité est une grande force pour le pays, peut-être même la plus grande force de toutes. Pourtant, il est évident que la diversité—de langue, de religion, d’ethnie mais surtout la diversité de race — est une source intarissable de conflits.

    Mon livre est une description détaillée des problèmes nés de la diversité et du refus des Américains de les regarder en face. Les États-Unis sont allés très loin en matière de diversité, et j’espère que la France—un pays que je connais, admire, et aime—ne répétera pas les mêmes erreurs.

    Breizh-info.com :  Vous expliquez dans votre ouvrage que les communautés de Blancs ont tout fait (et été obligées de  le faire) pour intégrer, sont en train petit à petit de se séparer, de recréer une sorte d’apartheid de fait. Pourquoi cela ?

    Jared Taylor : Cet apartheid de fait est basé sur la nature humaine profonde. Notre espèce est tribale. Il est normal de préférer la culture, les mœurs, la manière de vivre de son propre peuple. C’est pourquoi, en dépit des grands efforts de l’Etat pour encourager l’intégration et le métissage, les Américains restent, pour la plus part, séparés.

    Breizh-info.com :  On s’interroge souvent, en Europe, à savoir pourquoi les Latinos ne sont pas classés, ethniquement pour une bonne partie, parmi les Blancs. Avez vous une explication à fournir ?  

    Jared Taylor : La grande majorité de gens qu’on appelle Latinos ou Hispaniques sont plus correctement des mestizos, c’est-à-dire qu’ils sont un mélange d’Européen et d’Amérindien. Ceux qui viennent aux États Unis sortent souvent des basses classes et sont  sont en grande partie Amérindiens. Ces gens-là ne sont pas blancs. Nous recevons même des Amérindiens purs qui parlent des langues comme le Quechua ou le Nahuatl et ne parlent même pas l’Espagnol.

    Breizh-info.com :  Comment avez vous ressenti la victoire de Donald Trump ? Va-t-on vers de profonds changements, voire une révolution dans la société américaine ?

    Jared Taylor : Je suis très content de la victoire de Trump, mais il n’y aura pas de vraie révolution. Trump n’est pas un identitaire. Il a des instincts sains : il n’aime pas que les étrangers entrent dans notre pays clandestinement et profitent de l’aide sociale. Il comprend que le mouvement Black Lives Matter (qui prétend que la police américaine vise systématiquement les noirs pour les tuer) est basé sur des mensonges.

    Sans doute, il se sent dépaysé quand il se trouve à Miami ou à Detroit où il n’y a pratiquement pas de Blancs.  Mais je ne crois pas qu’il ait  profondément réfléchi aux questions démographiques, et il ne comprend pas que les États Unis sont vraiment en train de sortir de l’Occident et de devenir un pays du Tiers Monde.

    Breizh-info.com :  Pouvez vous conseiller à nos lecteurs des médias américains qui, comme Breitbart news, ont contribué à faire gagner Donald Trump ? Qu’est ce qui explique que la réinformation réussisse, économiquement, à percer aux États-Unis là ou cela parait encore compliqué en Europe et notamment en France ?

    Jared Taylor : Breitbart a été un grand succès. En même temps il y a beaucoup de sites comme le nôtre (www.AmRen.com), www.Vdare.com, www.takimag.com, www.unz.com, où on trouve des renseignements et des commentaires qu’on ne trouverait jamais dans les grands médias.

    Pourtant, je ne suis pas persuadé que les médias alternatifs aient contribué décisivement à la victoire de Donald Trump. Les grands medias ont mené une campagne de diabolisation contre Trump sans précédent dans toute l’histoire des États-Unis. C’était tellement haineux et biaisé que beaucoup d’Américains moyens en ont été dégoûtés. Selon moi, la tentative des grands médias de terrifier et intimider les électeurs s’est retournée contre eux et a persuadé beaucoup d’Américains que les médias ne sont pas fiables. Je crois que l’élection a été un grand tournant pour les médias. S’ils continuent d’être si éloignés du peuple ils vont périr.

    Breizh-info.com :  Ce qui est saisissant , c’est qu’on se rend compte que les côtes américaines ont voté majoritairement Clinton tandis que les terres ont choisi Donald Trump. L’Amérique semble être un pays profondément divisé  vu de l’extérieur. Est-ce le cas ? Qu’est ce qui explique cette révolte des peuples de l’intérieur ?

    Jared Taylor : Depuis la Guerre Nord-Sud, les États-Unis n’ont jamais été si divisés. Nous sommes divisés racialement, politiquement, culturellement, et—de plus en plus géographiquement. C’est un constat très malsain pour un pays, mais c’est le résultat fatal de la diversité. A la limite, les États-Unis pourraient devenir comme le Liban ou l’ancienne Yougoslavie – ingouvernable. Nous ne sommes pas encore à ce stade-la, mais ce n’est plus inconcevable.

    Breizh-info.com :  Comment se sont comportés, électoralement, les autochtones de l’Amérique, c’est à dire les Indiens que l’on retrouve notamment dans le Dakota. Quelles sont leurs relations avec les autres communautés ? 

    Jared Taylor : A peu près deux tiers des autochtones ont voté pour Clinton, mais ils ne comptent que pour 2% de la population et leur taux de participation aux élections est très bas. Depuis toujours, les Indiens, comme toutes les autres minorités, votent majoritairement démocrate.

    Breizh-info.com :  Qu’est ce que l’élection de Trump va changer pour l’Europe, à l’heure où l’Amérique multiplie les provocations, notamment aux frontières de la Russie, en y déployant énormément de soldats et de matériel militaire ?

    Jared Taylor : Il est difficile de savoir ce que Trump pense réellement en matière de politique extérieure, mais il a toujours dit qu’il chercherait à améliorer les rapports avec la Russie. Son choix de nommer comme secrétaire d’état, Rex Tillerson, est de très bon augure. Il a également souvent dit que les Etats Unis ne peuvent plus payer pour la défense de l’Europe et de l’Asie et que les alliés doivent se défendre eux-mêmes. Selon moi, la perte de l’aide militaire ne poserait aucun problème pour l’Europe si les Européens maintenaient de bonnes relations avec la Russie—ce qui devrait être tout à fait possible.

    Il n’y a aucune raison pour  que l’Europe et la Russie ne soient pas des puissances voisines paisibles. Leurs intérêts en question d’immigration, échanges économiques et culturels, de lutte contre le terrorisme, etc., sont presqu’identiques. Si l’opposition détraquée des Américains contre les Russes disparait, il n’y a aucune raison pour que la Russie ne prenne pas sa place comme membre respecté et productif de la communauté des nations.

    Breizh-info.com :  Vous êtes un parfait francophone, et de fait, suivez régulièrement l’actualité de ce pays. Comment voyez vous, et que souhaitez vous, pour l’année électorale qui s’annonce ?

    Jared Taylor :  J’espère une victoire totale pour le Front national !  Je crains que Marine Le Pen n’ait cédé trop de terrain sur certains points importants, mais une victoire du FN aux élections françaises serait un tremblement de terre peut-être encore plus significatif que la victoire de Donald Trump.

     

    Jared Taylor, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh infos, 11 janvier 2017)

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  • François Fillon, candidat du Wall Street Journal et des actionnaires du CAC 40...

    Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné par Alain de Benoist à Breizh infos et consacré à la victoire de François Fillon à la primaire de la droite.

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    Alain de Benoist : « François Fillon, c’est d’abord le candidat patronal du Wall Street Journal et des actionnaires du CAC 40 »

    Breizh-info.com : La victoire de François Fillon signifie-t-elle une «révolution conservatrice» comme beaucoup, à droite, le laissent entendre. Avec Fillon assiste-t-on au « triomphe de la droite des valeurs » ?

    Alain de Benoist : Des valeurs cotées en Bourse, c’est en effet probable. Pour les autres, vous me permettrez d’en douter.

    La droite HLM (« hors les murs ») cherchait depuis des mois un candidat qui soit plus libéral en matière économique et plus « conservateur » en matière sociétale que ne l’est aujourd’hui le Front national. Ce candidat, elle l’a trouvé. Il s’appelle François Fillon. Il présente bien, il est convenable, propre sur lui, bien élevé, fidèle à sa femme, il n’épile pas ses sourcils, il vote en faveur de l’IVG et n’a pas la moindre intention de revenir sur la loi Taubira mais en son for intérieur il n’en pense pas moins (sic). De surcroît il va à la messe, et puis il habite un manoir, ce qui fait décidément de lui un homme très bankable.

    Personnellement, je me réjouis bien entendu de la défaite du maire de Bordeaux, qui avait cru intelligent de faire une campagne de gauche dans une primaire de droite, comme de celle du mari de Carla Bruni, qui n’a pas vu qu’une primaire « ouverte » lui serait fatale. Fillon, me semble-t-il, a d’ailleurs surtout été perçu comme un moyen de se débarrasser de ces deux-là. Mais à mes yeux, cela ne suffit pas à en faire un héros.

    D’abord et avant toute chose, je suis un adversaire du capitalisme libéral. Or, François Fillon, si sympathique qu’il puisse être (mais ce ne sont pas les individus qui m’intéressent), est de toute évidence un libéral. Si j’en crois les médias, c’est même un « ultra-libéral ».

    Je ne peux donc que lui être ultra-hostile. Son programme nous ramène directement au XIXe siècle : destruction des services publics, suppression de l’impôt sur la fortune et hausse de deux points de la TVA (ce qui augmentera le coût des produits de première nécessité), démantèlement du système de santé (exclusion des « petits risques » de la couverture maladie), simplification des licenciements, diminution des allocations chômage, proposition faite aux travailleurs de travailler plus en étant payés moins, baisse des retraites et des salaires, soumission à la Commission de Bruxelles, problème des banlieues réduit à l’emploi, nouveaux cadeaux aux entreprises pour faciliter l’embauche (alors que celle-ci dépend de la demande, et que la demande est tuée par la baisse du pouvoir d’achat induite par les politiques d’austérité). Bref, une « casse sociale » qui correspond très exactement au programme du MEDEF.

    Henri Guaino, qui n’est pas à proprement parler un gauchiste, parle déjà du « pire programme de casse sociale imaginé depuis 1944 ». Il ajoute, non sans raison, que « ce sont les politiques économiques absurdes qui minent la protection sociale, et non la protection sociale qui détruit l’économie ». François Fillon, c’est d’abord le candidat patronal du Wall Street Journal et des actionnaires du CAC 40.

    Cela dit, je suis bien conscient que ce n’est pas ce programme qui lui a permis de remporter la victoire. Et que ceux qui ont voté pour Fillon ont d’abord voté pour sa personne. Mais pour être franc, je suis vraiment fatigué de cette droite bourgeoise imbécile, dénuée de la moindre structuration idéologique, toujours à la recherche d’un « homme providentiel », et à laquelle il suffit de faire de vagues promesses qui n’engagent à rien pour qu’en toute bonne conscience elle puisse se concentrer sur la seule chose qui l’intéresse vraiment, à savoir la défense de ses intérêts. Comme disait Céline, « ce sont les surfaces les plus lisses qui prennent le mieux la peinture ». Cette droite conservatrice et « nationale-libérale », qui n’a jamais été capable de comprendre qu’elle adhère à un système économique qui détruit tout ce qu’elle prétend conserver, qui mélange libéralisme économique et conservatisme social, logique du profit et appel aux « valeurs », ordre moral réactionnaire et xénophobie, n’a rien pour me plaire – et c’est pourquoi je la combat depuis toujours.

    On le sait, certains cathos ont préféré voter pour Fillon plutôt que pour Jean-Frédéric Poisson, plus proche pourtant de leurs convictions, mais qui avait aussi pris position pour un revenu de citoyenneté et qui estime que « le libéralisme est la pensée unique d’aujourd’hui, qu’il soit majoritairement économique comme le libéralisme de droite, ou majoritairement sociétal, comme le libéralisme de gauche, les deux n’étant évidemment pas incompatibles ». Poisson se prononçait aussi « contre la domination du marché sur tous les domaines de la société humaine ». Un discours insupportable pour ceux qui, oubliant les critiques du pape François dirigées contre le néolibéralisme, voient avant tout dans l’Église une « gendarmerie sacrée » (Georges Sorel) destinée à mater les « classes dangereuses ».

    Breizh-info.com : François Fillon peut-il être un « Victor Orban » ou un « Donald Trump » comme certains semblent le croire ?

    Alain de Benoist : Ni l’un ni l’autre, pour l’excellente raison que François Fillon est tout sauf un populiste. A la limite, c’est même son antipopulisme qui a convaincu ceux qui l’ont élu. Le fait dominant des primaires auxquelles nous venons d’assister, c’est en effet que les classes populaires ne se sont pas déplacées pour aller voter, sans doute parce qu’elles ne se reconnaissaient dans aucun des candidats – et qu’elles savaient bien que les trois problèmes qui les préoccupent le plus, à savoir l’immigration, l’Europe et la mondialisation, ne seraient abordés par personne.

    Le sarkozyste Gérard Darmanin, maire de Tourcoing, en a fait le constat : « Les classes populaires ne sont pas venues voter […] Or, ces électeurs constituent la majorité des voix pour une élection présidentielle ». Les couches populaires abandonnées, en France, cela représente en effet 24 millions de voix. On voit par là que Fillon n’est nullement le « candidat du peuple de droite », mais seulement le candidat de la moyenne bourgeoisie de province, et plus particulièrement des seniors, plutôt riches et inactifs, qui se fichent bien des questions sociales, puisqu’ils font partie des classes protégées. C’est ce que Patrick Buisson vient de déclarer lui aussi : « La France sénatoriale et provinciale de François Fillon n’est pas la France en souffrance des catégories populaires, qui ne sont pas allées voter ».

    Fillon avait commencé par être « gaulliste social » avec Philippe Séguin (c’est à son exemple qu’il avait appelé à voter « non » au traité de Maastricht, choix qu’il déclare regretter maintenant). Aujourd’hui, il se réclame de l’abominable Margaret Thatcher, qui représente très exactement tout ce que Séguin détestait.

    Breizh-info.com : Peut-on dire néanmoins qu’après ce scrutin, les jeux sont déja faits ?

    Alain de Benoist : J’ai déjà eu l’occasion de dire que le système des « primaires », que l’on a importé des États-Unis en France, est une absurdité. Les primaires se conçoivent très bien outre-Atlantique, où l’élection présidentielle ne comporte qu’un seul tour, ce qui impose aux partis de ne présenter qu’un seul candidat. En France, où l’élection se déroule en deux tours, elles ont pour seul but de donner aux partis le monopole de la désignation des candidats en même temps qu’elles instituent une sorte de vote censitaire parfaitement contraire à nos institutions. Les vraies primaires, en France, ce devrait être le premier tour.

    Cela dit, voir dans cette primaire de la droite et du centre l’annonce du résultat final de la présidentielle est d’autant plus absurde que ce scrutin a rassemblé moins de 4,5 millions de voix (dont il faut encore déduire 600 000 voix « venues d’ailleurs »), alors que l’on dénombre en France près de 45 millions d’électeurs, dont 36 millions qui devraient participer à l’élection présidentielle soustraction faite des abstentionnistes. Sur ces 36 millions, il y a encore au moins 20 millions d’électeurs de droite. Ce sont eux qu’il va falloir convaincre, ce qui n’est pas gagné.

    Il y a six mois, l’élection de Hillary Clinton ne faisait aucun doute, mais c’est Trump qui l’a emporté. Il y a deux mois, l’élection d’Alain Juppé à la primaire ne faisait aucun doute, mais c’est Fillon qui l’a emporté au terme d’une campagne qui a également démontré l’extraordinaire versatilité des électeurs de droite. Croire que l’élection présidentielle ne va pas nous réserver d’autres surprises est extrêmement naïf. On ne sait pas si Bayrou va se présenter. On ne sait pas si les libéraux auront à choisir entre Fillon, Bayrou, Valls et Macron. On ne sait pas ce qui va se passer à gauche. On ne sait pas ce que va faire Mélenchon.

    On ne sait même pas si Marine Le Pen sera au second tour. Considérer que les jeux sont faits et que le second tour opposera immanquablement Marine et Fillon est donc pour le moins aventuré. Cinq ou six mois à l’avance, une élection présidentielle n’est jamais jouée.

    Breizh-info.com : Marine Le Pen est-elle plus en danger pour l’élection présidentielle avec François Fillon qu’avec Alain Juppé ?

    Alain de Benoist : A supposer qu’elle soit présente au deuxième tour, Marine Le Pen aurait probablement préféré se retrouver face à Juppé, voire à Sarkozy. Mais face à Fillon, elle conserve toute ses chances à condition d’employer la bonne tactique : d’un côté mettre en accusation Fillon sur l’immigration, et chercher à rallier les ex-sarkozystes qui ne se reconnaissent pas dans le programme de l’ancien Premier ministre, mais surtout s’adresser en priorité aux classes populaires directement menacés par le libéralisme patronal de Fillon en s’attachant à faire comprendre à une gauche aujourd’hui en déshérence qu’elle ne peut pas, en conscience, aller voter pour un ultra libéral qui ne rêve que de renforcer l’emprise du Capital, d’augmenter la précarité et le nombre des travailleurs pauvres.

    Le rôle naturel de Marine Le Pen est de s’adresser à une France périphérique qui se sent aujourd’hui exclue et abandonnée, qui voudrait voir embaucher plus de gendarmes, de policiers, de pompiers, d’infirmières et d’enseignants, qui ne veut pas travailler plus pour gagner moins ni voir démanteler les derniers mécanismes de protection sociale auxquels elle peut encore avoir accès. Cette France périphérique ne se reconnaîtra jamais dans un représentant de la bourgeoisie traditionnelle. Contre Fillon l’ultra-libéral, le FN n’a donc qu’une chose à faire : durcir et amplifier impérativement sa critique du libéralisme.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh infos, 30 novembre 2016)

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  • La fin d'un monde ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné par Alain de Benoist à Breizh infos et consacré à la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine.

     

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    « 9 novembre 1989 : chute du Mur de Berlin. 9 novembre 2016 : élection de Donald Trump.»

    Breizh-info.com : Quel est votre sentiment après l’annonce de l’élection de Donald Trump ?

    Alain de Benoist : 9 novembre 1989 : chute du Mur de Berlin. 9 novembre 2016 : élection de Donald Trump. Dans les deux cas, la fin d’un monde. Notre dernier Prix Nobel de littérature, Bob Dylan, s’était finalement révélé bon prophète : The times they are a-changin’ ! C’est en tout cas bien à un événement historique que nous venons d’assister. Depuis des décennies, l’élection présidentielle américaine se présentait comme un duel à fleurets mouchetés entre deux candidats de l’Establishment. Cette année, pour la première fois, c’est un candidat anti-Establishment qui se présentait – et c’est lui qui l’a emporté. « Malgré ses outrances », disait un journaliste. Plutôt à cause d’elles, aurait-il fallu dire, tant l’électorat de Trump n’en pouvait plus du politiquement correct !

    En fait, dans cette élection, ce n’est pas le personnage de Trump qui est important. C’est le phénomène Trump. Un phénomène qui, tout comme le Brexit il y a cinq mois, mais avec une force encore supérieure, illustre de façon spectaculaire l’irrésistible poussée du populisme dans le monde. Natacha Polony l’a très bien dit : ce phénomène « n’est que la traduction d’un mouvement de fond qui ébranle toutes les sociétés occidentales : la révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité par la lame de fond d’une mondialisation qui avait déjà emporté les classes ouvrières ». Le fait dominant, à l’heure actuelle, tient en effet dans la défiance grandissante que manifestent les peuples à l’endroit des élites politiques, économiques, financières et médiatiques. Ceux qui ont voté pour Trump ont d’abord voté contre un système dont Hillary Clinton, symbole passablement décati de la corruption institutionnalisée, donnait une représentation exemplaire. Ils ont voté contre le « marigot de Washington », contre le politiquement correct, contre George Soros et Goldman Sachs, contre la morgue des politiciens de carrière qui cherchent à confisquer la démocratie à leur seul profit, contre le show business que les Clinton ont appelé à leur rescousse. C’est cette vague de colère qui s’est révélée irrésistible.

    Breizh-info.com :  Au-delà de cette victoire, l’écart de voix est considérable. Comment l’expliquez-vous ? S’agit-il du dernier sursaut des Blancs et des Indiens d’Amérique, menacés démographiquement par les Noirs et les Latinos ?

    Alain de Benoist : Aux Etats-Unis, le vote populaire est une chose, celui des grands électeurs (le « collège électoral ») en est une autre. Le plus extraordinaire, et le plus inattendu, est que Trump l’ait aussi emporté auprès des grands électeurs. Bien entendu, on peut estimer qu’il a surtout fait le plein de la classe ouvrière blanche, dont un certain nombre de suffrages s’étaient précédemment portés sur Bernie Sanders (en ce sens, le vote en sa faveur est aussi un vote de classe). Mais, si intéressante soit-elle, une analyse du vote en termes ethniques serait assez réductrice. Les analyses qui ne manqueront pas paraître ces prochaines semaines montreront que Trump a aussi obtenu des voix chez les Latinos, et même chez les Noirs. Le vrai clivage est ailleurs. Il est entre ceux qui considèrent l’Amérique comme un pays peuplé par des gens qui se définissent d’abord comme des Américains, et ceux qui n’y voient qu’un champ politique segmenté en catégories et en groupes de pression tous désireux de prévaloir leurs intérêts particuliers au détriment les uns des autres. Hillary Clinton s’adressait aux seconds, Trump aux premiers.

    Breizh-info.com : La ligne politique de Donald Trump pourrait grossièrement être décrite comme plutôt libérale à l’intérieur des frontières et plutôt protectionniste à l’extérieur. Cela vous semble-t-il intéressant ? N’est-ce pas ce libéralisme « intérieur » qui manque au Front national pour percer en France ?

    Alain de Benoist : La situation des deux pays n’est pas comparable, et la forme que peut (ou doit) y prendre le populisme ne l’est pas non plus. Aux Etats-Unis, le ressentiment anti-Establishment est inséparable de l’idée propre aux Américains que le meilleur gouvernement est toujours celui qui gouverne le moins. Cette aspiration libérale au « toujours moins d’État » fait partie de l’ADN étatsunien, pas de celui des Français qui, dans la crise actuelle, demandent au contraire plus de protection que jamais. Contrairement à ce que vous dites, le Front national, à mon avis, aurait donc tout intérêt à durcir plus encore sa critique du libéralisme.

    Quant à soutenir le libéralisme « à l’intérieur » et le « protectionnisme » à l’extérieur, cela me paraît relever de la contorsion. Il n’y a pas d’un côté un libéralisme qui dit une chose, et de l’autre un libéralisme qui dit le contraire. Du fait même de ses postulats fondateurs, le libéralisme implique à la fois le libre-échangisme et la libre circulation des personnes et des capitaux. On peut certes déroger à cette règle, mais alors on sort du jeu libéral. Il est bien clair qu’avec Donald Trump, les États-Unis ne vont pas cesser d’être l’un des rouages moteurs du système capitaliste dans ce qu’il a de plus brutalement prédateur. Bien qu’il ne soit pas une figure de Wall Street, Trump correspond d’ailleurs assez bien lui-même à l’image d’un capitalisme débridé.

    Breizh-info.com : Le FN se félicite de la victoire de Trump. La droite français semble effondrée. Qui va en tirer les fruits ici ?

    Alain de Benoist : Pas grand monde probablement. Marine Le Pen a été la première (avec Poutine) à féliciter Trump, et c’est bien naturel. Ce qui est plutôt comique, c’est de voir tous les hommes politiques, de droite et de gauche, qui s’étaient bruyamment réjouis par avance d’une victoire de Clinton qui leur paraissait si « évidente », devoir demain faire bonne figure à Donald Trump, l’accueillir parmi eux dans les sommets internationaux, le recevoir sans doute un jour à l’Élysée, après avoir déversé sur lui des tombereaux d’injures et de mépris.

    La classe dirigeante est à l’image des maîtres du cirque médiatique. L’élection de Trump est aussi « incompréhensible » pour eux qu’a pu l’être le Brexit en juin dernier, le « non » des Français au référendum de 2005, la montée du FN, etc. Elle leur est incompréhensible parce que pour la comprendre il leur faudrait se remettre en cause de façon suicidaire. C’est pourquoi ils ne trouvent rien d’autre à faire qu’à réciter leurs mantras sur les « discours de haine », la « démagogie » et l’« inculture » où se complairait le peuple. Leurs instruments conceptuels sont obsolètes. Ils ne veulent pas voir le réel, à savoir que les peuples n’en peuvent plus d’une démocratie représentative qui ne représente plus rien et d’une expertocratie qui ignore systématiquement les problèmes auxquels ils se heurtent dans leur vie quotidienne. Lénine disait que les révolutions se produisent quand à la base on ne veut plus et qu’à la tête on ne peut plus. Mais les élites en place sont incapables de s’en rendre compte, alors même que le sol se dérobe sous les pieds. Ecoutez-les tenter d’« expliquer » ce qui vient de se passer. Voyez leurs visages décomposés, tétanisés. Après avoir donné Clinton gagnante jusqu’à la dernière minute, ils ne veulent à aucun prix identifier les causes de leurs erreurs. Ils ne comprennent rien à rien. Ces gens-là sont incorrigibles.

    Breizh-info.com : Marine Le Pen ne prend elle pas une leçon, elle qui parle de « France apaisée » avec un discours très modéré là où Trump a joué la carte agressive et déterminée ?

    Alain de Benoist : C’est une erreur de croire que ce qui a bien fonctionné dans le contexte particulier d’un pays fonctionnera automatiquement dans un autre. Trump, le « clown milliardaire », a tenu durant sa campagne des propos d’une violence sidérante qui seraient impensables en France. La détermination, au surplus, n’implique pas forcément l’agressivité. Le slogan de « La France apaisée » se justifiait très bien il y a quelques mois. Il ne vous aura pas échappé qu’à l’approche des échéances électorales, la direction du FN l’a abandonné.

    Breizh-info.com : La candidature de Donald Trump a notamment été portée par l’Alt-Right et une armée de jeunes militants virtuels qui ont utilisé à plein les montages vidéos, photographiques ou les dessins humoristiques pour soutenir Donald Trump avec humour. Est-ce la fin du militantisme traditionnel ? Est-ce le début d’un nouvel âge, celui de l’activisme numérique et de l’utilisation de l’humour ?

    Alain de Benoist : Il est évident qu’Internet et les réseaux sociaux jouent désormais un rôle décisif dans la vie politique, mais les partisans de Trump ne sont pas les seuls à en avoir usé. Les soutiens de Hillary Clinton n’ont pas été en reste. Mais si l’on parle d’« activisme numérique », c’est surtout aux révélations de Wikileaks qu’il faut songer. Elles ont eu, comme vous le savez, un rôle décisif dans la campagne électorale américaine. À côté de Donald Trump, le grand vainqueur du scrutin s’appelle Julian Assange.

    Breizh-info.com : A quelles conséquences vous attendez-vous en Europe ? Dans le monde ?

    Alain de Benoist : Il y a tout lieu de penser que les conséquences vont être aussi nombreuses que considérables, mais il est trop tôt pour spéculer là-dessus. Autant Hillary Clinton était prévisible (avec elle, c’était la guerre avec la Russie presque assurée), autant les intentions de Donald Trump restent relativement opaques. Déduire les grandes lignes de ce que sera sa politique à la Maison Blanche de ses plus tonitruantes déclarations de campagne serait pour le moins audacieux, sinon naïf. Trump n’est pas un idéologue, mais un pragmatique. Il ne faut pas non plus oublier (le parallèle entre la France et les États-Unis est là aussi trompeur) que le président des États-Unis, coincé qu’il est entre le Congrès et la Cour suprême, est loin d’avoir tous les pouvoirs qu’on lui prête de ce côté-ci de l’Atlantique. D’autant que le complexe militaro-industriel est toujours en place.

    Je pense par ailleurs que les « trumpistes » européens n’auront pas forcément que des bonnes surprises. Que Donald Trump se préoccupe en priorité des intérêts de son pays est tout à fait normal, mais il ne s’ensuit pas que cela favorise ou rejoigne les nôtres. « America first », cela veut dire aussi : l’Europe loin derrière ! Après des décennies d’interventionnisme tous azimuts et d’impérialisme néocon, le retour à un certain isolationnisme serait une bonne chose, mais qui peut aussi avoir son revers. N’oublions pas qu’aucun gouvernement américain, interventionniste ou isolationniste, n’a jamais été pro-européen !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh infos, 10 novembre 2016)

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